Avec plus de 8 000 espèces actuellement connues, les amphibiens présentent une extraordinaire diversité en termes de morphologie, de démographie, de comportement et d’écologie. Leur physiologie et leurs modes de vie, qui les exposent fortement aux contraintes environnementales, en font d’excellents bioindicateurs de la qualité des écosystèmes. Et le constat est alarmant : perte ou dégradation de leurs habitats terrestres et aquatiques, surexploitation, concurrence avec des espèces introduites, maladies…
Aujourd’hui, plus de 40 % des espèces ayant fait l’objet d’une évaluation par l’UICN sont menacées par les activités humaines. Si les amphibiens peuvent être difficiles à observer dans la nature, la détection la plus précoce possible des espèces introduites ou des pathogènes conditionne grandement l’efficacité des actions menées. En cela, les méthodes ADNe développées par les membres de Vigilife s’avèrent particulièrement performantes. Elles pourraient rapidement améliorer le suivi des amphibiens et de leur statut sanitaire à l’échelle mondiale.
OPTIMISER LA DÉTECTION DES ESPÈCES
Les premières études sur l’ADNe en milieu aquatique ont été menées en France, sur la grenouille taureau. Elles ont permis de démontrer l’efficacité de la méthode et de révéler que l’ADN libéré dans l’eau pouvait persister pendant plusieurs jours. Les tests réalisés par la suite sur le triton crêté, au Royaume-Uni, ont mis en évidence une détectabilité de l’espèce de 99,3 % grâce à l’ADNe, contre 76 % avec des techniques traditionnelles.
Quatre inventaires successifs avec des méthodes classiques sont nécessaires pour atteindre la détection obtenue en une seule visite avec l’ADNe.
À partir d’un même prélèvement d’eau, il est également possible d’étudier toute une communauté d’amphibiens, avec une détectabilité moyenne de 97 %, contre 58 % avec des méthodes traditionnelles. Quatre inventaires successifs avec des méthodes classiques sont ainsi nécessaires pour atteindre la détection obtenue en une seule visite avec l’ADNe. La méthode s’avère d’autant plus pertinente dans des sites difficiles d’accès et réunissant de nombreuses espèces, comme en milieu équatorial. Elle a par exemple permis de retrouver une grenouille brésilienne — Megaelosia bocainensis — que l’on croyait « éteinte » depuis plus de 50 ans. L’ADNe a également pour avantage de limiter les risques de dissémination de pathogènes entre les différents sites étudiés.
IDENTIFIER LES PATHOGÈNES
Le prélèvement d’eau utilisé pour détecter la communauté d’amphibiens peut également servir à identifier leurs pathogènes, tels que des champignons, des virus et de nombreuses espèces de métazoaires parasites.
Une étude réalisée dans les Alpes montre, par exemple, que la présence d’un ranavirus est détectable par ADNe avant et après un événement de mortalité massive de têtards. La méthode permet également de détecter la présence d’ADN de champignons pathogènes, comme Batrachochytrium salamandrivorans, même s’il est présent dans le milieu en faible concentration, si les amphibiens sont porteurs sains ou si la prévalence d’infection est faible.
© Great crested newt / Jelger Herder & Bullfrog / Franck Taboury